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Translation au Cordeau, 2019

Colle méthylcellulose, pigments : carbonate de calcium,
sulphosilicate de sodium et aluminium Pigment blue 29, 25m90 m x 10 m ; trait : 10 cm 📜

Les installations-picturales de Léa Stella Lalanne m’évoquent avant tout des successions de plans colorés si éclatants qu’on parlerait presque de lumière. Ils s’impriment sur la rétine comme le soleil se réfléchissant sur une terre aride et ocre (de Sienne Brûlée…?), avec une forme de violence soudaine qui contraint à fermer les yeux. Poussière désertique, matières sèches et solides, reflets, chaleur, structure : Léa Stella Lalanne fait s’ouvrir devant nous des espaces en émergences, suspendus dans un moment de construction perpétuel. Son travail sur la notion de chantier, son expérience de peintre en décors, de restauration de monuments, de peintre en bâtiment, sont inscrits dans sa démarche artistique. Sa peinture, profondément liée à la notion d’espace, n’a pu que se détacher de la toile pour venir se développer dans des sphères en trois dimensions, se mêler à l’architecture et entamer ses processus d’édification.

En effet, au travers du chantier, c’est avant tout une histoire de construction qui entre en jeu dans le travail de la peintre, un récit en développement sur le temps qui passe – passera, ou ne passe plus. Concevoir la notion de chantier c’est essentiellement se placer dans la position de l’anticipation, de l’après et de son attente. Le chantier, par essence, est le prémice de quelque chose, et dans le résultat final perdurera la survivance de cette structure. Entre l’archéologue et la bâtisseuse, Léa Stella Lalanne plonge ses mains dans les pigments issus de la terre, inhale la poussière bleue du cordeau, l’odeur de la térébenthine, du vernis. De ces masses, mélanges de matière et de couleur, elle extrait des formes frémissantes qui viennent, à l’image de la Translation au Cordeau, se greffer dans le coeur de paysages eux même pétris par des forces naturelles époustouflantes.

L’œuvre de Léa Stella Lalanne est un Golem, une figure d’argile, de poussière, de lumière, qui prend vie dans les lieux desquels elle émane et par lesquels elle est contrainte d’adapter sa forme, sa texture, sa masse. Dans ce déferlement de matière, de sons, de couleurs ; sous le brûlant soleil d’un été chaud et pyrénéen, une seule chose semble inamovible : l’ampleur de tout ce qui reste à construire.

Luci Garcia